dimanche 19 avril 2020

Greysexuel ?

L'asexualité est comme toutes les orientations sexuelles, davantage un spectre de couleurs possiblement nuancées qu'un état figé à jamais.

Au même titre que certains hétéros peuvent parfois occasionnellement avoir un petit faible pour une personne de leur sexe, ou certains homos pour une personne du sexe opposé, il est aussi possible pour certains asexuels (pas tous...) d'avoir parfois des envies, dans des circonstances bien précises.

Il y a par exemple le cas des demisexuels qui peuvent exceptionnellement ressentir une attirance envers quelqu'un avec lequel ils ont développé un fort lien affectueux.
Il y a également le cas plus complexe des greysexuels qui peuvent, très rarement, ressentir une attirance sexuelle envers quelqu'un... sans explication particulière.
Bien sûr, même chez un demisexuel ou un greysexuel, le principe général est de ne pas s'intéresser au sexe. Mais cela n'empêche pas quelques exceptions qui peuvent confirmer la règle, ici ou là.
Où est-ce que je me situe dans tout ça ?

Ayant parfois des fantasmes comme je l'ai dit ici, je ne peux sans doute pas me dire asexuel strict sans nuances. D'ailleurs je n'ai pas renoncé totalement à avoir des relations sexuelles un jour. Pour moi, cela n'aurait pas de sens. Pourquoi se fermer à quelque chose par principe et à tout jamais ? Aujourd'hui je n'en ai pas envie, et ne le recherche donc pas, mais qui sait demain ?

Si fantasmes je peux avoir, ils ne sont jamais dus au fait de connaître très intimement quelqu'un. Ils ne naissent pas comme cela. Rayons donc l'option de la demisexualité.

A partir du moment où j'ai au moins une fois dans ma vie ressenti quelque chose s'approchant de l'envie de relations sexuelles avec quelqu'un, sans avoir d'explications claires sur le pourquoi de cette personne et pas une autre, puis-je me considérer greysexuel ? Est-ce cela le principe ? Il semble que oui. Je dois donc l'être.

En effet, comme je le disais dès le premier article de ce blog, il a pu m'arriver, très rarement, peut-être pas d'avoir un désir de sexe au sens propre, mais au moins de pouvoir le concevoir, et de me dire que cela ne me déplairait pas. C'était plus de l'ordre du fantasme que de l'envie pure, comme je l'ai déjà évoqué. J'aimais en rêver à la rigueur, mais je n'avais pas forcément envie de le réaliser. Cela n'a donc rien changé à ma conviction d'être asexuel. Cela a simplement constitué quelques ilôts d'intérêt dans un océan d'indifférence. Mais ces ilôts étaient agréables à arpenter malgré tout !

Je pense évidemment à un exemple précis.

Elle s'appelle E. Je l'ai rencontrée il y a environ 13 ans, au boulot.
L'histoire est étonnante à plusieurs égards.
C'est ma responsable, qui, un après-midi, me dit ceci: "on a recruté une très jolie fille ! Ah, vous allez voir, je ne vous dis que ça !".
J'acquiesce poliment "ah, ben écoutez, c'est cool, tant mieux !" tout en pensant évidemment "ma pauvre, si tu savais...".

Ladite nana fait son arrivée quelques jours plus tard. Elle ne m'inspire au départ absolument rien. Mais les semaines passent... et je me mets à lui trouver un charme spécial. On aurait dit qu'elle avait trouvé des "codes", des attitudes, des mots, pour éveiller une forme de sensualité. Elle ne m'a jamais dragué ni "allumé"... ce n'était que, purement, dans sa façon d'être.
Je me suis aperçu que je pouvais fantasmer en pensant à elle... mais même, chose rarissime, de fantasmer véritablement d'un rapport physique. L'acte sexuel me paraissait, me paraît encore parfois aujourd'hui, mentalement, concevable avec cette personne. Et c'est l'une des très très rares à avoir provoqué cela chez moi.

Elle n'est restée que quelques mois dans ce boulot, avant de partir ailleurs. On ne s'est pas revus depuis... mais on est curieusement restés en contact sur Facebook, et on se donne curieusement de brèves nouvelles de temps en temps.

C'est quand même étonnant.  On ne s'est côtoyés que quelques mois il y a plus de 10 ans. On a juste été des collègues de boulot qui s'entendaient plutôt bien, on n'a jamais été proches ni même vraiment amis, on ne s'est jamais vus en dehors. Mais aujourd'hui encore on continue à échanger parfois.
Je suis même surpris parfois de la confiance qu'elle m'accorde. Il y a quelques jours, j'ai pris de ses nouvelles au début du confinement. Elle a évoqué un travail d'écriture personnel, qu'elle m'a proposé de lire lorsqu'il serait achevé. J'en ai été assez étonné: pourquoi me montrer cela à moi, qui n'ai jamais été proche de quelque façon que ce soit ?

Cette attirance pourrait-elle avoir été réciproque ? Difficile à dire. Je n'en ai aucune idée. A plusieurs reprises, lors d'échanges sur Internet, elle a évoqué la possibilité qu'on se revoie, et l'a même parfois directement proposé. Cela ne s'est jamais fait pour le moment, notamment parce que nous sommes séparés par quelques 900 kilomètres. Je n'ai pas fait non plus beaucoup d'efforts pour que cela se produise. Pourquoi ?

De ce que je connais d'elle (pas grand-chose au fond...) j'ai l'impression qu'on est très différents, avec peu d'intérêts communs, des sensibilités dissemblables sur plein de choses. J'ai un peu de mal à nous imaginer devenir amis.

"Oui, mais justement, l'idée n'est pas de devenir amis, mais de peut-être avoir d'autres types d'activités...", pensez-vous peut-être.
J'en reviens à ce que j'écrivais dans cet article: le fantasme et le désir sont deux choses très différentes, particulièrement pour un A.

Peut-être que je tiens à ce que cela reste ainsi: un fantasme auquel j'aime penser de temps en temps. Peut-être qu'elle n'est rien d'autre, et ne pourra jamais rien être d'autre pour moi.
Mais peut-être que si.  Peut-être que le fait d'être resté de longues années en contact ainsi, sans même s'être jamais vraiment connus, est quand même signe de quelque chose d'atypique, et peut-être que cette relation prendra à l'avenir des formes que je n'imagine pas encore.

A bientôt pour un prochain épisode.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire