lundi 13 avril 2020

Asexualité et coming-out

Je ne sais pas si je ferai lire ce blog à beaucoup de mes proches. Dans l'immédiat je ne le fais pas, et je ne pense en tout cas pas le faire tout de suite. Je l'ai fait lire à ma soeur, avec qui j'avais déjà abordé tous ces questionnements depuis longtemps. J'en ai parlé hier au téléphone à cet ami S qui m'avait fait découvrir les forums d'asexualité (j'en ai parlé dans un précédent article).  Mais pour ce qui est de le montrer à d'autres membres de ma famille ou à d'autres amis... je ne sais pas. J'écris d'ailleurs sous pseudonyme: Tom Bonner n'est pas mon vrai nom.

Je n'ai aucun problème à le faire lire à des asexuels en le postant sur des forums. Je lis toujours les réactions avec curiosité et grand intérêt, suis très intéressé à savoir si certains pourront se retrouver dans ce que j'écris, si d'autres pourront avoir un autre vécu ou des interrogations différentes, et de confronter nos expériences et ressentis.

C'est spécial quand même... Ces inconnus me connaissent, à certains égards, plus intimement que certaines personnes que je côtoie depuis 15 ans, avec lesquels je n'ai jamais abordé directement tous ces sujets.

Vous qui êtes tombés par hasard sur ce blog, vous êtes évidemment les bienvenus également, ai-je besoin de le préciser !

Pourquoi est-il si difficile pour moi de dire à mes proches: "voilà, je suis asexuel, la sexualité ne m'intéresse pas, ce n'est pas une maladie, ce n'est pas un problème non plus, c'est simplement une orientation comme une autre" ?

Il y a plusieurs raisons à cela.

- Déjà je n'en ai tout simplement pas l'envie. A la plupart de mes amis et connaissances qui m'interrogent, je dis simplement "je me sens bien célibataire, et je fais partie de ces gens qui ont très peu de besoins sexuels, donc tout va bien". Une fois ceci dit, en général on me fiche la paix. Puisque j'ai déjà la paix, je ne vois pas l'intérêt d'en dire plus, et de risquer d'être mal compris !

- ... Car ce risque existe évidemment. L'asexualité est un concept relativement nouveau, difficile à expliquer aux gens.  J'ai ainsi peur d'avoir de nouveau droit à des commentaires du type: "es-tu es sûr que tu n'as pas simplement peur du sexe ?" "es-tu bien certain d'avoir suffisamment essayé ?", toutes ces choses que l'on m'a dites pendant tant d'années, qui n'ont jamais fait évoluer quoi que ce soit, et que l'on ne me dit plus aujourd'hui.

- J'ai peur également d'être toujours renvoyé à cela. "Tu dis ceci parce que tu es asexuel et que tu n'as jamais connu l'amour physique", "tu dis cela mais tu ne peux pas savoir de quoi tu parles véritablement", "tu penses telle chose mais c'est normal, étant asexuel, tu ne peux pas vraiment comprendre...". C'est l'expérience qui parle. Il y a une quinzaine d'années, j'avais eu droit à des réflexions du type: "Ah mais tu n'as jamais été amoureux ? Ok, je comprends mieux pourquoi tu aimes ceci ou cela, et pas ceci ou cela !", comme si mon identité était résumable à cela. Je pense en général être ouvert d'esprit, et je me suis toujours efforcé de ne pas mal prendre les différents commentaires ou questionnements de mon entourage, mais cette phrase fait partie des choses les plus blessantes que j'ai pu entendre.

- Je me demande si plusieurs de mes amis, mêmes parfois proches, ne pourraient pas malgré tout ressentir un sentiment de trahison en lisant ces articles. Comme je le dis plus haut, je leur ai souvent dit que j'avais "très peu de besoins sexuels". Cette affirmation est fausse, puisque je n'ai aucun besoin sexuel. J'ai parfois joué à être normal auprès d'eux, sans avoir l'impression de leur mentir pour autant. Il me suffisait d'extrapoler les petits fantasmes que je pouvais avoir pour leur faire croire que moi aussi, j'avais parfois de réelles envies sexuelles. C'est le jeu social en quelques sortes: chacun peut porter un masque à sa façon pour garder la part de jardin secret qu'il souhaite, même auprès d'amis de longue date. J'ai parfois dit à certains d'entre eux que j'avais déjà eu des relations sexuelles, ce qui est faux... simplement parce que je ne voulais pas être embêté avec ça. Et aussi parce que je ne voulais pas prendre le risque que ce soit répété à d'autres, à qui je n'ai pas envie de le dire. Je sais qu'avec un petit verre dans le nez, il est facile et tentant pour de très nombreuses personnes de se laisser aller au jeu du "ne le répète surtout pas, il m'a demandé de ne rien dire, mais...".

La situation qui est la mienne me convient donc bien: j'ai l'impression d'être vu par la plupart des gens comme quelqu'un qui simplement n'est pas très intéressé par le cul. Certains pensent que j'ai déjà eu des expériences, d'autres pensent que non. Certains pensent que ça viendra, d'autres pensent que non. J'en dis un peu mais pas beaucoup, je fais comprendre que le reste relève de mon intimité pure et simple, et du coup, en général, personne ne me questionne davantage.

L'asexualité est un sujet qui me passionne suffisamment pour avoir envie d'écrire un blog sur le sujet... mais pour ce qui est de mes proches, je préfère choisir au fur et à mesure qui pourra jeter un oeil sur ces réflexions.

A bientôt pour un prochain épisode.

9 commentaires:

  1. J'ai surtout envie de dire... après tout, ça regarde qui si on a des relations sexuelles ou pas ??!! Que nous-même !! :-)
    Je suis contre le "coming out" en ce qui concerne n'importe quelle "sexualité"... comme j'ai déjà lu quelque part... est-ce qu'une personne hétéro va aller dire "alors voilà... je suis hétéro !"
    ???!!! NON !!!
    Alors pour les autres, c'est pareil !!
    Les personnes proches de nous devront accueillir la personne qu'on leur présentera (si on décide de le faire) ... et n'ont pas à avoir de regard sur la façon dont est vécu cet amour !! :-)
    Bien sûr qu'elles ont le droit de se poser des questions, c'est légitime. Mais ça reste de l'ordre de l'intime et ça devrait être fluide avec les personnes qui nous connaissent et nous acceptent telles que nous sommes ;-)

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    1. Je suis globalement d'accord, et je pourrais même rajouter cette raison que tu évoques dans l'article. Après tout, c'est vrai, pourquoi le faire ? D'autant plus qu'une orientation sexuelle n'est jamais figée et peut toujours évoluer.
      Disons que j'ai l'impression parfois d'avoir une part de secret vis-à-vis des gens qui m'entourent, qui m'ont souvent confié des choses personnelles et auxquels je n'ai jamais raconté tous ces questionnements. Si je décide un jour d'évoquer tout ça plus en détails avec certains d'entre eux, ce ne sera pas pour qu'ils aient "un regard", mais plutôt pour qu'ils en sachent plus sur une dimension personnelle dont je ne parle pas... Mais ce n'est en aucun cas obligatoire, je suis d'accord, et d'ailleurs je n'ai pas l'intention de le faire pour le moment.

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    2. Je te rejoins totalement sur le fait d'avoir l'impression de cacher un secret aux gens... ! C'est tout à fait ce que je ressens !!
      Et je suis tellement mal à l'aise avec les questions sur l'amour que je m'en veux de ne rien pouvoir dire (littéralement... rien ne sort...) et je culpabilise un peu de ne pas me dévoilée à des gens que, pourtant, j'apprécie. Mais vu que je ne sais pas moi-même définir mes émotions, je n'ai pas envie qu'on porte un jugement ou qu'on me questionne à ce propos parce que je ne saurais pas répondre...
      Alors, bien sûr, je saurais en parler le jour où j'aurais vécu un minimum de choses...

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    4. Oui, c'est évidemment très compliqué. On a peur d'être jugé ou mal compris.
      En général quand arrive sur la table le sujet du "mais et toi, tu n'es jamais avec personne ?", je réponds simplement que je me sens bien comme ça sans plus de précisions, et en général ça termine la discussion.
      Je peux parfois aborder le sujet un peu plus en profondeur avec certains... vraiment quand je le sens. Il me faut des signaux avant cela, qui me permettent de voir que la personne en face de moi est vraiment ouverte d'esprit !

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    5. C'est ce qu'on me conseille souvent de répondre, que je suis "bien comme ça", que je n'ai pas trouvé la bonne personne...
      Sauf que ce n'est pas le cas ! Je ne suis pas bien comme ça ! Et je n'ai jamais trouvé parce que je me suis mise tellement de barrières... alors ce n'est pas une question de ça !
      Alors, je pourrais mentir en disant ce qu'on m'a conseillé de dire ! Mais je ne croirais pas à ce que je dis !! Je ne suis pas du tout à l'aise avec le mensonge !! Bref, dans tous les cas, je suis mal à l'aise !!

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    6. Alors effectivement ne dis pas cela. Il ne faut surtout pas se trahir soi-même.
      Peut-être que tu trouveras des gens avec lesquels tu te sentiras suffisamment en confiance pour aborder librement toutes ces questions que tu te poses. Je te le souhaite en tout cas !

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    7. Oui, c'est déjà le cas avec des amies (que je n'ai encore jamais rencontrées en vrai) avec qui j'ai fait connaissance sur des sites ;-) merci ;-)

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