jeudi 16 avril 2020

Asexualité et aromantisme en chansons

Je m'interrogeais ces derniers jours à savoir quelle serait la chanson qui illustrerait le mieux l'asexualité pour moi. Rien ne me venait.
Il y a deux jours, comme une sorte de signe du ciel, je tombe totalement par hasard sur cette chanson inconnue au bataillon, en écoutant l'excellente webradio FIP rock. Je ne sais pas si elle a été écrite consciemment sur ce sujet-là, mais elle en parle en tout cas magnifiquement.

Boygenius - Bite the hand

I can't touch you, I wouldn't if I could
I can't love you how you want me to
(...)
But you want what I can't give to you





La sexualité est beaucoup chantée dans la pop évidemment. Existe-t-il des chansons sur l'asexualité, l'aromantisme ? En voici quelques unes que l'on peut en tout cas lier à ces thèmes...

Ces chansons que l'on peut entendre comme portant sur l'asexualité et l'aromantisme...


Le premier exemple qui me vient, ce sont les Smiths. Morrissey, chanteur du groupe, est d'ailleurs souvent cité parmi les célébrités asexuelles. Il a plusieurs fois évoqué en effet son désintérêt pour la chose, avant de relativiser ses propos et de se dire "attiré par les humains, mais pas par beaucoup".

Peut-être est-ce pour cela que la solitude, l'impossibilité à trouver de l'amour ou même simplement de la chaleur humaine sont au coeur de son oeuvre.
Ce sentiment d'être totalement "à part", "exclu" dans le grand jeu de l'amour, de la séduction et du sexe, qui peut sembler si facile à d'autres, habite toutes ses chansons, de How soon is now à That joke isn't funny anymore, en passant par celle-ci.

The Smiths - I know it's over 

Love is natural and real... 
But not for you my love... not tonight my love




L'amour est naturel et réel... mais pas pour toi. 
Adolescent, ces paroles me hantaient littéralement.

C'est tellement ça ! J'entends partout que le sentiment amoureux est la chose la plus naturelle au monde... eh bien, pas pour moi visiblement !

Les films, les livres, me disent que je pourrais très bien rencontrer l'amour passionnel et charnel ce soir, en allant acheter mes clopes au tabac... Mais moi je sens que non, je sais que non, je vois bien que je suis fait différemment des autres, et cela me donne parfois un sentiment d'isolation du monde. Merci Morrissey de me donner une voix à travers ta musique.

Bien sûr, on pourra me dire qu'il est loin d'être le seul à chanter cela.
Je me souviens de ce film "Tout le monde dit I love you" de Woody Allen (déjà, le titre... ben non, pas moi, désolé !)
Après une rupture sentimentale, les personnages pensent ne plus être capables d'aimer à nouveau et chantent "I'm through with love"...




Mais nous sommes bien dans une comédie romantique, et nous savons qu'ils vont aimer à nouveau avant le mot FIN. La chanson est une forme d'ironie: on sait que celui la chante se trompe.
Chez les Smiths, c'est différent. Il est question de ceux qui vraiment, ont un problème interne avec l'amour. Ceux qui pensent qu'ils ne tomberont pas amoureux... et à qui les faits donnent raison, en quelques sortes !

- Un deuxième exemple qui me vient en tête est celui de la chanteuse de rock Juliana Hatfield. Personnalité atypique, indépendante, elle n'a pas eu peur en interview de se dire vierge à l'âge de 25 ans. On ne sait pas grand-chose de l'orientation sexuelle de Juliana Hatfield et cela ne regarde qu'elle, mais certains des titres de son premier album peuvent trouver un certain écho sur le sujet de l'asexualité...

Juliana Hatfield - For the birds

I don't care for boys or girls,
I'd rather hang around with the birds 





- Troisième exemple, l'immense Aimee Mann, qui chante elle aussi souvent sa difficulté profonde à croire en l'amour. Dans sa chanson Deathly, elle demande à l'un de ses prétendants de la laisser tranquille. Elle semble savoir que la relation est condamnée à l'échec avant même d'avoir commencé, car elle se sent inadaptée, et pense que sa personnalité constituera un problème.

Aimee Mann - Deathly

So don't work your stuff
Because I've got troubles enough
No, don't pick on me
(...)
'Cause I'm just a problem
For you to solve





Cette chanson m'a souvent parlé également.
Ne perds pas ton temps, ça le fera pas: c'est un peu ce que j'ai toujours envie de dire au fond à chaque fois qu'un(e) S semble vouloir dépasser la sphère simplement amicale. J'ai peut-être tort d'ailleurs, car des relations A/S peuvent aussi exister, même si c'est rare...

Dans la pop, il y a aussi d'autres types de chansons... qui peuvent bien sûr présenter celui qui ne baise pas ou celui qui n'est pas amoureux, comme quelqu'un qui "passe à côté de la vie". A l'image des précédentes, ce n'est peut-être pas leur but premier, mais disons qu'on peut les comprendre ainsi.

En réalité, elles sont toutes aussi peu nombreuses que les premières, car globalement les chansons de pop s'intéressent soit à ceux qui baisent, soit à ceux qui a minima ont très envie de baiser. 😅

Les "exclus" du sexe ne passionnent pas plus la pop music que la littérature ou le cinéma, à quelques exceptions près. 

Ces chansons qui semblent suggérer que la sexualité doit être un aspect essentiel de la vie...


La vie par procuration de Jean-Jacques Goldman (dont j'adore beaucoup de chansons, je le précise) est un des rares titres, à ma connaissance, qui parlent d'une femme sans amants. Elle est décrite comme une sorte d'anomalie qui n'a aucun contact, vit recluse et présente des pathologies sociales voire psychologiques, quelqu'un de plus proche de "l'ombre" que de l'être humain.

Jean-Jacques Goldman - La vie par procuration

Des crèmes et des bains
Qui font la peau douce
Mais ça fait bien loin
Que personne ne la touche
Des mois, des années
Sans personne à aimer
Et jour après jour
L'oubli de l'amour




Pour Alain Souchon, dont j'apprécie beaucoup de chansons également, c'est ce qui se trouve "sous les jupes des filles" qui guide la vie et le monde, dans un titre que j'ai toujours trouvé assez déprimant... il est cohérent avec cet autre tube, dans lequel il affirme que "la vie ne vaut rien, mais moi quand je tiens dans mes deux mains éblouies, les jolis petits seins de mon amie, là je dis rien ne vaut la vie !".

Alain Souchon - Sous les jupes des filles 

Elles savent
Que la seule chose qui tourne sur terre
C'est leurs robes légères
On en fait beaucoup
Se pencher tordre son cou
Pour voir l'infortune
À quoi nos vies se résument
Pour voir tout l'orgueil
Toutes les guerres avec les deuils
La mort la beauté
Les chansons d'été
Les rêves






Quant à Lynda Lemay, dans sa chanson Bande de dégonflés, elle exprime carrément - certes avec humour, mais quand même... - une forme de dédain envers les mecs qui ne bandent pas sur commande. Au moins c'est clair !

Lynda Lemay - Bande de dégonflés 

Bien sûr, c'est pas la fin du monde
Mais d'là à dire que c'est pas grave
Qu'ça peut arriver à tout l'monde
Qu'ça rend moins beau et moins brave
Moi, j'aurais quand même objection
À faire mention de courage
Quand c'est fuyant comme un savon
Et que ça fond pendant l'massage




Entendons-nous bien: je ne trouve aucune de ces chansons "offensantes".
Je peux même dire pour certaines d'entre elles que je les aime (celle de Goldman par exemple).

J'en parle simplement parce que ces chansons sont en quelques sortes l'écho de discours et d'images encore présentes dans la société.

Mais je ne les prends aucunement comme des attaques personnelles, et peux les apprécier sur le plan mélodique et au niveau musical.

On a d'ailleurs toujours le choix d'écouter ou ne pas écouter un morceau ! D'autant plus que dans tous les domaines musicaux, asexuels et aromantiques peuvent avoir de bonnes surprises.

Même dans le rap, où il est fréquent de vanter ses nombreuses conquêtes sexuelles dans un langage plus ou moins fleuri, G Eazy et Bebe Rexha proclament à l'inverse leur goût à être seuls dans un titre entêtant, que l'on pourrait vraiment voir comme une ode à l'aromantisme.

G Eazy - Bebe Rexha - Me myself and I 

It's just me, myself and I
Solo ride until I die
'Cause I got me for life
I don't need a hand to hold
Even when the night is cold
I got that fire in my soul






Un Jimmy Somerville de l'asexualité ? 


Pour conclure, j'ai un souvenir très fort d'un reportage vu à la télévision, qui évoquait la perception de l'homosexualité au fil des époques.
Si elle a pu rentrer en partie dans les moeurs, c'est notamment grâce à la musique.
Je me souviens d'un gay, dans ce reportage, disant, avec une lumière intense dans les yeux : "God bless Jimmy Somerville". Pour lui, la popularité de groupes comme Bronski Beat a fait énormément avancer la cause.


Pourrait-il y avoir un jour un chanteur, une chanteuse, un groupe qui porte la thématique de l'asexualité et la fasse mieux comprendre et accepter aux yeux des autres, comme certains musiciens ont pu le faire avec l'homosexualité ?
Le rêve est permis !

A bientôt pour un prochain épisode.

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