jeudi 2 avril 2020

10 raisons pour lesquelles je me suis toujours senti mal en couple

J'ouvre une parenthèse, avant de reprendre le récit.

Une proche qui a lu le blog me demande de préciser ce qu'est avoir une attirance non-sexuelle, une simple "inclinaison amoureuse" sans désir, envers quelqu'un. J'ai un mal fou à le lui expliquer. En gros, je peux être troublé par quelqu'un, attiré par cette personne... mais sans avoir envie de faire l'amour avec elle.

Pour cette proche, le désir est justement quelque chose qui monte très lentement, qui se construit avec la personne avec qui on est en couple. Cela commence par de petites attentions physiques, avant de monter petit à petit en désir sexuel. Saurais-je expliquer précisément en quoi cela diffère chez moi ? Suis-je en fait bien certain que cela diffère chez moi ? Je ne sais que lui répondre, à part que chez moi ça ne monte pas en désir sexuel... Simplement pas.

Mais derrière cette question, je devine (et/ou m'interroge moi-même) sur celle-ci: ai-je vraiment pris le temps que cela puisse monter ? Est-ce que si j'étais resté plus que quelques jours ou quelques semaines avec les filles avec qui j'ai été, ce serait venu ? Est-ce que j'aurais pu construire cela ? Je ne le saurai jamais, car j'ai cassé moi-même ces relations très rapidement.

Ce qui m'amène à une question suivante: qu'est-ce qui fait que je me suis senti mal à l'aise au point de devoir casser ces relations si rapidement ? Pourquoi je n'ai pas attendu un peu ? Je n'avais pourtant rien à reprocher à ces personnes avec lesquelles j'étais. Encore très récemment, un ami me l'avait demandé, en substance: "tenir un peu plus, prendre le temps d'explorer vraiment tes sensations, c'était vraiment au-dessus de tes forces ??"

Je ne sais pas si cela répondra aux questions de cette proche, je ne sais pas si c'est ce que je vais écrire correspond à ce qu'elle voulait vraiment savoir, mais cela m'a donné envie d'ouvrir cette parenthèse pour me pencher sur ces questions.

Comme tout geek qui se respecte, j'aime raisonner en tops 10. 

Voici donc la liste des 10 choses qui font que je suis si mal à l'aise en entamant une relation de couple que j'arrête toujours au bout d'un temps très court. J'essayerai au passage d'expliquer à cette proche en quoi je me sens différent de ce qu'elle décrit, sur le plan sexuel.

1) Les personnes avec qui je sors me plaisent un peu au départ. Voilà ce que j'appelle "inclinaison". Je peux imaginer avoir du plaisir en les embrassant par exemple. Je n'ai jamais de forte envie physique d'elles - je ne sais pas ce qu'est avoir une forte envie physique de quelqu'un. Dans les livres que je lis ou films que je vois, les personnages qui meurent littéralement de désir pour d'autres, sont obsédés par ces personnes au point d'en perdre l'appétit, le goût de tout, est quelque chose que je ne comprends littéralement pas. Je n'ai aucune idée de ce que ressentent ces gens, je suis incapable de me le représenter. Je ne le jugerai jamais, et je peux évidemment ressentir intellectuellement de l'empathie, mais émotionnellement cela m'échappe totalement. Mais j'en reviens là: ces personnes avec lesquelles je sors me plaisent un peu quand même. Pourtant, dès que je commence à les embrasser, je ne ressens plus rien, aucun plaisir. Ce qui doit être le coup d'envoi marque en fait un coup d'arrêt. Les préliminaires à l'amour n'ont jamais été pour moi une promesse de quelque chose de plus grand, de plus fort. Elles ont toujours été pour moi les préliminaires de l'envie de tout stopper. Qu'est-ce que je fais là ? Pourquoi on doit passer des heures à se faire des bisous alors que moi j'aurais juste envie de parler, comme entre amis ? J'ai ressenti cela avec toutes. Je ne suis peut-être pas tombé sur les bonnes, me direz-vous. Peut-être qu'il faudrait que je retente avec d'autres, en essayer une dizaine, repasser par ces moments de fort malaise que je vis très mal, avant d'en trouver une onzième avec laquelle le désir pourrait tout d'un coup se réveiller... mais le sexe n'est-il pas censé être un besoin naturel ? Pour en avoir parlé avec tous mes amis hommes, je sais que pour eux le désir est depuis toujours un préalable. Ils ont envie de baiser depuis leurs 13 ans. La question ne se pose pas. Ce qui est difficile, sacrément difficile, c'est de trouver quelqu'un qui accepte de le faire avec eux. C'est une grande souffrance pour beaucoup d'entre eux. Ils cherchent désespérément quelqu'un qui va combler ce désir, mais ne le trouvent souvent pas. Quand ils le trouvent, parfois ils en tombent amoureux. Et il faut alors faire marcher la relation, ce qui est à nouveau un très gros challenge, plein d'embûches, plein d'obstacles, plein de difficultés, plein de compromis à trouver. Mais moi, même le préalable, l'envie de baiser, ce simple préalable évident et établi chez tous mes amis hommes depuis leur puberté, devrait me demander un gigantesque boulot sur moi-même alors ? Je ne suis pas sorti de l'auberge, dites donc...

2) C'est bien "une"proche qui m'a interpellé sur tout cela. Est-ce que le désir naît différemment chez les femmes ? Il se dit que oui, même si c'est probablement un cliché. Selon une idée reçue, un homme a envie de coucher avec un nombre immense de femmes, mais la femme, elle, choisit son partenaire, et construit petit à petit une confiance avec lui qui va lui donner envie d'aller plus loin. Ce "modèle" a longtemps prévalu dans les têtes... et prévaut sans doute encore. Le fait de ne pas correspondre du tout à ce "modèle" a pu jouer dans ce malaise que j'ai ressenti très vite en couple, j'en conviens.

3) J'ai malgré tout l'impression qu'en couple, l'immense majorité des gens ont au moins besoin de se sentir désirés physiquement... Cela n'a rien à voir avec la pratique du sexe en soi. Certains adorent faire l'amour, d'autres moins. Mais il y a peut-être une constante malgré tout, qui est ce besoin de sentir désirables. Lorsque je démarre une relation, je vois bien que je ne peux pas donner cela à une femme. Après les premiers bisous, je perds tout le (faible) désir que je pouvais avoir envers elles. Je ne peux pas leur faire comprendre que j'ai envie d'elles physiquement... parce que simplement ce n'est pas vrai (je n'ai quasiment pas essayé avec des hommes, mais j'ai encore moins d'inclinaisons et d'attractions envers eux en règle générale). J'ai l'impression, en début de relation, d'être en quelques sortes un imposteur qui va être très vite découvert. Un type qui commence un contrat en disant qu'il sait parler espagnol, alors qu'il ne sait pas parler espagnol. "Mais je ne comprends pas, M. Dubois, si vous avez accepté ce poste c'est que vous saviez parler espagnol, pourquoi l'avoir pris si vous ne saviez pas ? Ca n'a aucun sens !". "Mais je ne comprends pas M. Bonner, si vous avez démarré une relation avec moi, c'est que vous aviez envie de faire l'amour avec moi, que vous me désiriez physiquement, que je pouvais me sentir belle, désirée, en votre compagnie ? Pourquoi avoir même commencé si ce n'était pas le cas ? Ca n'a aucun sens !". Tête penaude de l'imposteur découvert: "oui... mais... enfin... je veux dire... non, parce que... c'est plus compliqué que ça !..."

Allons voir au-delà de la question sexuelle, maintenant...

4) Je ne supporte pas de savoir que l'autre attend un coup de téléphone de moi, attend une date de rendez-vous, attend que je l'appelle pour le voir, se demande "pourquoi il ne m'appelle pas ? Pourquoi ne répond-t-il pas à mon SMS ? Pourquoi like-t-il des contenus sur Facebook et pas les miens ? ". Je ne veux pas qu'on se prenne la tête sur moi, qu'on analyse mes réactions. C'est quelque chose qui m'est assez insupportable. Je me sens, bêtement, enchaîné, surveillé, plus libre de mes faits et gestes. Et pourtant les personnes avec lesquelles j'avais démarré des relations étaient loin d'être des personnes envahissantes et toxiques ! Non, cela venait de moi et moi seul. Est-ce que je me projette trop dans la tête de l'autre au lieu de me projeter dans la mienne ? Est-ce que cela vient de mes relations avec ma mère, qui a souvent été très culpabilisante ? Peut-être... mais c'est comme ça. En amitié, les choses sont bien sûr totalement différentes. On n'est pas cette personne unique, spéciale, sur laquelle l'autre concentre son attention. On est un ami parmi d'autres. Ce type de relations est beaucoup plus aisées pour moi.

5) Le plus grand bonheur de ma vie a d'ailleurs été d'emménager seul, de quitter mes parents. L'idée de bonheur est dans ma tête pas mal associée à ça, à ce sentiment là: l'indépendance.

6) Chaque fois que l'histoire de couple se termine, je ressens une profonde libération. Je suis de nouveau seul. Que c'est bon !

7) Si l'idée d'avoir un partenaire de vie me manque parfois, c'est toujours quand je vais mal. Dès que je recommence à aller bien, cela disparaît de ma tête. C'est quelque chose qui peut parler à beaucoup de monde, je crois... tout le monde passe par des moments où il se sent seul, et par d'autres où il se réalise dans la liberté que permet cette solitude. Mais j'ai le sentiment que l'envie d'être en couple ne disparaît jamais totalement chez la plupart des gens, même quand ils sont célibataires et contents de l'être. C'est toujours quand même quelque part, dans un coin de leur tête... Chez moi, quand je vais bien, ce n'est plus nulle part dans ma tête. J'ai donc ce sentiment que le manque de partenaire que je ressens est en quelques sortes une tromperie: quand je me sens mal, ce n'est peut-être pas cela au fond que je cherche...

8) Je ne suis sans doute pas patient du tout de façon générale. Si un film ne m'intéresse pas au bout de 30 minutes, je quitte la salle. Dès qu'un livre commence à m'ennuyer je l'arrête. Dès que je m'ennuie un peu à une soirée je pars. Je n'arrive pas à me forcer, c'est très compliqué. J'ai ressenti la même chose dans ces débuts d'histoires. Pourtant, il y a plein de gens avec lesquels je me sens tout de suite à l'aise en amitié, plein de villes où je me sens tout de suite bien, plein de films et de livres qui m'accrochent dès le départ et que j'arrive donc à finir. Pourquoi cela ne s'est jamais produit en amour ? Peut-être parce que ce n'est pas ce que je cherche, encore une fois.

9) Est-ce qu'il y aurait aussi une part d'orgueil dans tout ça ? Une forme de fierté à être différent,  à tracer un "autre chemin", à pouvoir dire "moi je ne suis pas comme les autres, je n'ai pas besoin de l'amour ?". Peut-être en partie, je ne sais pas. Je crois quand même que ça va plus loin que ça. J'ai toujours été révolté par le fait que des gens soient montrés du doigt parce qu'ils étaient seuls, célibataires. L'amour c'est comme tout: certains sont très doués en la matière, d'autres un peu moins, d'autres pas vraiment, d'autres enfin pas du tout. En amour, certains sont riches, d'autres sont pauvres. On lit souvent que celui qui ne connaît pas l'amour ne vit qu'à moitié. L'amour serait un peu comme la Rolex: si tu l'as pas (ou pas connu) à 50 ans, t'as raté ta vie. C'est ce qui, lit-on, entend-t-on, procure le bonheur ultime dans l'existence. Quelle cruauté... certains ont la chance de le connaître plusieurs fois dans leur vie, d'autres ont la chance de le connaître une fois, d'autres ne le connaissent pas. On a tous des gens autour de nous qui semblent cruellement sous-doués en la matière. Et qui doivent en plus de cette souffrance lire partout qu'ils ne sont pas à 100% "dans la vie". Cela me semble tellement injuste et surtout tellement faux... A ceux qui disent cela, j'ai toujours envie de répondre ceci: moi, j'ai beau être seul, désolé, je vous promets que je respire, que je vis ! L'amitié, mes passions pour mon métier, pour le cinéma, pour la musique, pour le théâtre, pour l'engagement associatif, me comblent totalement ! A l'inverse, certaines personnes en couple me paraissent enfermées dans une routine qui ne les satisfait pas, et me donnent justement l'impression justement de ne pas vivre pleinement ! Et si l'amour et l'intensité de vie n'étaient donc en vérité pas automatiquement connectés ? Et si certains étaient faits pour se réaliser dans la relation amoureuse, d'autres pour se réaliser dans complètement autre chose ? C'est ce qu'il m'a toujours semblé... et l'exemple que j'ai toujours eu envie de donner.

10) Mais je ne souhaite pas pour autant renoncer totalement au fait de trouver un(e) partenaire de vie un jour, avec qui partager les hauts et les bas de l'existence. Cela ne m'a jamais vraiment manqué... mais c'est peut-être quelque chose que j'aimerais connaître, expérimenter une fois, pour savoir ce que j'en pense vraiment. Et j'en reviens quand même au point de départ:  ce qui me fait fuir de toutes ces relations à peine entamées, c'est peut-être quand même surtout l'idée que l'autre va tôt ou tard me demander du sexe. Que ce sera un passage "obligé", la preuve que je l'aime vraiment. Et le sexe ne m'intéresse tellement pas... pourquoi faut-il que le sexe soit tellement lié à l'amour ? C'est un tel mystère pour moi... Je peux avoir parfois des formes de fantasmes envers des gens dont je n'ai absolument rien à foutre, voire même que je n'aime pas, et ressentir une profonde tendresse, une profonde affection, envers des gens vis-à-vis desquels je ne pourrais même pas imaginer de fantasmer une seule seconde... Quel rapport entre les deux ?... C'est tellement déconnecté complètement dans ma tête... ce sont deux galaxies tellement distinctes, qui n'ont tellement aucun pont entre elles...

Je ferme cette parenthèse et en reviens à mon récit: lorsque je découvre les forums d'asexualité, je vois que peut-être il serait possible d'envisager des relations avec des gens capables de me comprendre totalement... relations amicales ou plus, je ne sais pas, je n'en ai encore aucune idée. Je suis certain d'être asexuel, mais je ne pourrais pas encore affirmer avec certitude que je suis aromantique (non désireux de bâtir une relation romantique avec quelqu'un). Cela ouvre en tout cas de nouvelles perspectives.

A bientôt pour un prochain épisode.

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