mardi 7 avril 2020

Asexualité et réactions de l'entourage au fil du temps

J'ai envie ici de m'intéresser aux différentes réactions de mon entourage vis-à-vis de mon absence totale de vie sexuelle, et vis-à-vis de mon célibat perpétuel. Ces phrases que je vais citer m'ont parfois été dites par des amis, parfois par de simples connaissances, parfois encore par des très proches du cercle familial.

L'idée n'est absolument pas de stigmatiser ou de montrer du doigt leur intolérance, surtout pas. C'est plus simplement de faire comprendre les questions qui se posent aux gens qui ont un asexuel dans leur entourage, les incompréhensions (bien naturelles) que cela peut susciter.
Les réactions ont toujours été diverses et variées. Il y a toujours eu, à toute époque, des gens pour me dire de simplement suivre mes envies, et d'autres pour me dire que je devais changer, ne pas me résigner à être une sorte d'anorexique sexuel.

Mais suivant les âges et les périodes, certains type de réactions ont malgré tout été majoritaires. Il faut donc prendre ce qui suit comme un résumé simplifié. La réalité a toujours été plus complexe, et les discussions plus nuancées.

Voici, en gros, la chronologie de ce que j'ai pu entendre. :

18 ans : 

"Tu es encore vierge, ah oui ? Tu attends sans doute d'être vraiment amoureux pour coucher. Ca change de la plupart des mecs qui n'ont que ça en tête ! Tu es probablement plus sensible et romantique que d'autres."

20 ans : 

"Bon, va falloir te bouger quand même, là. Tu as des ouvertures avec X et Y, tente ! Tu as dit que tu trouvais Z pas mal, tente ! Rien ne pourra t'arriver si tu ne fais aucun effort ! Quant à ce manque de désir que tu évoques, ce n'est qu'une excuse que tu te donnes pour ne rien faire."

22 ans : 

"Vierge ? A ton âge ? Mais comment c'est possible ?? Tu remplaces ça par quoi ?? Tu vas pas me dire que tu remplaces ça par le cinéma et la musique quand même ??"

25 ans : 

Je n'ai plus de phrases précises en tête. Je me souviens d'avoir évoqué le sujet avec des connaissances et d'avoir suscité parfois de simples regards interloqués suivis de ricanements. Cela m'est arrivé très rarement parce que j'en parlais peu, et de moins en moins... mais cela m'est arrivé. C'est le moment où j'ai sans doute reçu le moins d'empathie sur le sujet. Dans la tête des gens, ce n'était juste pas normal du tout d'être ainsi, et cela ne pouvait venir que d'un problème à régler.

28 ans : 

L'incompréhension commence à se muter en questions.

"Que tu ne te sentes pas bien en couple, cela peut se comprendre, certains sont faits pour vivre seuls. Mais n'avoir jamais de relations sexuelles... Peut-on vraiment vivre comme cela ?... Sans jamais serrer un corps contre soi ?"

"Tu as pensé à aller voir une prostituée ?"

Le discours évolue véritablement une fois que j'ai passé 30 ans. Mon entourage réalise peu à peu que si je n'ai vraiment aucun intérêt envers la sexualité, il n'y a pas beaucoup de sens à me pousser à la pratiquer.

31 ans : 

"Pourquoi avoir refusé de passer la nuit avec I. qui te l'a proposé ouvertement l'autre soir ? C'est dingue quand même, tu t'en fous vraiment en fait !..."

33 ans : 

"Clairement tu n'es pas intéressé, et il n'y a aucune autre raison à ton absence de vie sexuelle. Moi, chaque fois que j'ai été avec une nana, tout s'est fait très naturellement, les premiers baisers, le passage à des pratiques sexuelles... Il n'y a eu aucun travail à faire sur moi-même pour parvenir à cela. Toi visiblement ça ne te dit pas. Il faut sans doute l'assumer."

35 ans : 

"En fait, j'admire ton courage, d'avoir un mode de vie différent de celui de la plupart des gens. Et tu ne connais pas ta chance. Le sexe est quelque chose d'esclavagisant. Je sais que si j'en suis privé, cela va être une prise de tête, un souci à résoudre. Le fait de ne pas avoir ce problème là à gérer te confère une vraie liberté".

"Moi je n'ai jamais vécu seul, j'aimerais tellement pouvoir y parvenir ! Tu échappes aussi à ce qu'on est nombreux à connaître, les séparations, les divorces...".

Depuis :

On ne m'en parle en général plus. Tout le monde semble avoir admis que j'étais comme ça et qu'il n'y avait rien à y faire.

Trois observations sur tout cela: 

-Sur le fait de ne pas connaître séparations et divorces, je précise à nouveau que je n'ai pas renoncé à l'idée d'avoir un jour une relation romantique, sans sexe, avec un(e) autre asexuel(le). Donc, rien ne dit que je n'y goûterai pas à l'avenir !

-Le discours des gens a beaucoup évolué avec le temps. La compréhension et l'acceptation s'est faite petit à petit. Peut-être qu' à 20 ans ils avaient l'espoir de pouvoir me changer, et que passé 35 ans ils ont réalisé que ce serait considérablement plus compliqué. Mais leurs réactions ont également évolué en même temps que mon rapport personnel à l'asexualité. Plus je l'acceptais moi-même, plus je trouvais les mots pour l'expliquer aux autres, et plus les autres pouvaient eux aussi l'accepter. Je déteste parler comme un bouquin de développement personnel... mais disons qu'en changeant soi-même de regard sur soi, on change aussi le regard des autres sur soi.

-J'ai un peu tout entendu sur le sujet: que c'était de la lâcheté et que c'était du courage, que c'était un choix libre et que ça venait d'un traumatisme que je devais guérir, que c'était une malédiction et que c'était une chance.
Dans les yeux de certains proches, parfois les mêmes, je me suis vu tour à tour comme le pire des nerds puceaux à deux doigts de faire une attaque de panique dès qu'une femme s'approche de lui, et comme un grand résistant insubordonné à une société qui impose le sexe comme un devoir, le couple comme un horizon obligatoire. Après avoir été Cyprien, ce personnage de geek total incarné par Elie Semoun, me voici en quelques sortes devenu Jean Moulin ! 😂

Je me suis parfois senti humilié ou flatté par tout ça... en sachant évidemment que ces images ne correspondaient absolument pas à la réalité.

Parce que la vérité est mille fois plus simple: ce n'est ni lâche ni courageux... je n'ai juste pas le choix. Je n'ai pas, je n'ai jamais eu envie de baiser et suis absolument incapable de me forcer à le faire. Vous voyez que dès lors... les options sont quand même très réduites.

 A bientôt pour un prochain épisode

4 commentaires:

  1. ENVOI 1

    Bonjour , je suis Sasha du site Acitizen

    Déjà ado ou même enfant , on entend dire :
    « quand tu seras marié »et« Tu verras quand t'auras des enfants » !
    Comme si c'était une obligation et qu'il n' y avait pas d'autres choix possibles.
    C'est déjà rébarbatif d'entendre ça pour de jeunes adultes mais pour des ados/enfants , c'est terrifiant !

    D'ailleurs , pourquoi le fait de rester célibataire (asexuel ou pas) est-il encore si décrié ?
    Pourquoi ne pourrait-on pas vivre bien sans conjoint/enfants ?

    J'ai un neveu qui a 39 ans aujourd'hui , qui vit seul depuis ses 18 ans , et même parti au Japon où il est prof de français , sa famille le somme de trouver quelqu'un et d'avoir des enfants.
    « Mais laissez le tranquille» que j'ai dit une fois à son père (qui est mon frère)

    Pareil pour mon fils , bientôt 34 ans , chercheur à l'université.
    On ne côtoie d'ailleurs presque plus la famille à cause des remarques débiles telles que : « Personne veut de lui ou quoi » ?
    (Je passe les ricanements des cousins , les sous-entendus grivois des oncles/tantes)
    Pour dire enfin : « ben il a de la chance lui , il est tranquille »!
    Parfois , j'ai l'impression que ce sont des gens envieux qui regrettent de n'avoir pas oser prendre la même direction.
    On dirait que c'est plus :
    « Marie-toi et ait des enfants » juste pour avoir les mêmes regrets/problèmes qu'eux. Parce que bien sûr , aux mariages et aux naissances , se sont succedés les cocufiages , les divorces les problèmes de garde , de pension , de remariages …
    Et vu le nombres de divorces croissants , on voit bien que même les sexuels ont du mal à trouver quelqu'un qui convient sur le long terme. Comme quoi ce n'est pas gage de couples durables et de bonne entente. Je dirais même que c'est ça qui détruit un couple , l'envie d'aller voir ailleurs , les tromperies , les mensonges ...

    Aujourd'hui , plus personne ne devrait avoir à s'expliquer sur son « état » et plus personne ne devrait faire de réflexion sur le statut des gens (Marié , célib , ace , homo , hétéro...)
    D'ailleurs , si aujourd'hui à la quarantaine on ne t'en parle presque plus , c'est peut-être que tu es passé à une autre tranche d'âge , celle des divorcés. Il est donc moins rare d'être seul à 40/60 ans qu'à 18/40 ans. Apparemment ça passe mieux en vieillissant.

    SUITE ENVOI 2

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  2. SUITE ENVOI 2
    Quant aux rapports sexuels , je n'en ai jamais non plus eu l'envie ni encore moins vu un intérêt
    Je suis avec mon mari depuis 36 ans , mariée depuis 32 ans et 3 enfants.
    Sérieusement , je n'ai jamais compris pourquoi il fallait faire toutes ces choses pour montrer à quelqu'un qu'on l'aime.
    Se tenir la main , se faire de petits bisous , c'était bien suffisant pour moi.
    Se soutenir , s'entraider , se rassurer , s' accompagner , ainsi que des milliers de petites attentions de tous les jours , c'est comme ça que je voyais un couple.
    Avoir un compagnon de vie sans obligations , qu'est-ce que j'en ai rêvé , mais ça n'existait pas , il fallait que j'arrête de rêver et que je fasse comme les autres , passer à la casserole régulièrement , c'était ça la normalité.
    Alors que sans sexe c'est tellement bien plus simple et agréable.
    Ne pas avoir à inventer tout un tas de trucs pour éviter de se retrouver à deux , et de devoir faire la chose , mais au contraire avoir envie de se retrouver à deux pour se faire un chocolat et se passer des sitcoms.

    Bon , je suis quand même bien tombée , mon mari est gentil et travailleur , j'aurais seulement voulu lui montrer autrement combien je l'aimais (Les rapports sexuels ont tout gâché/cassé)
    J'ai dû payé pour avoir de la tendresse , jusqu'à ne plus vouloir de tendresse du tout , puisqu'elle n'est pas gratuite.

    Mes 3 enfants sont mon salut , je n'aurais pas payé de ma personne durant des années en vain.

    On a beau excuser les autres de leur ignorance , mais quand même , ce sont bien eux qui nous font nous sentir à part. Est-ce si difficile d'avoir un peu d'empathie , de se dire que tout le monde n'est pas pareil , n'a pas les mêmes envies , les mêmes besoins ?
    Moi aussi je pourrais me dire :
    "Mais pourquoi tous ces gens font ça ? : du sexe , des trahisons , des divorces ? Pourquoi se prennent-ils la tête à ce point ? C'est incompréhensible !! Est-ce que eux sont normaux ? vraiment" ?

    Il y a tant à dire que je vais quand même m’arrêter là :)

    Je te souhaite une belle rencontre

    A bientôt





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    1. Merci pour ce témoignage Sasha !

      Je me retrouve bien sûr beaucoup dans ce que tu dis, sur la façon dont l'amour est pour toi totalement déconnecté du sexe, sur l'envie d'avoir un partenaire de vie avec lequel partager de bons moments sans avoir à faire ce que l'on ne désire pas, et aussi sur les incompréhensions de l'entourage.

      Et je te rejoins aussi complètement: à partir du moment où il n'y a pas de situation empiriquement heureuse ou malheureuse (on connaît tous des gens seuls très épanouis, des gens en couple malheureux... et inversement), c'est à chacun de choisir en conscience ce qui est le mieux pour lui, sans être pointé du doigt si possible.

      Peut-être que les choses sont en train d'évoluer, et qu'il est malgré tout un peu plus simple aujourd'hui d'avoir une orientation sexuelle non "classique" qu'il y a encore quelques années. J'essaye de rester optimiste. Mais j'imagine que cela dépend aussi beaucoup de l'entourage que l'on a et de son ouverture d'esprit...

      A tout bientôt !

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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